ARIADNEXT devient IDnow.En savoir plus.

Mapping des réglementations crypto en France et en UE.

Loi PACTE, agrément PSAN, projet MiCA… Les initiatives nationales et européennes pour réguler le secteur de la crypto se multiplient ces dernières années, impulsées par une volonté d’encadrer ce marché prometteur, mais souvent source d’inquiétudes pour les autorités nationales. Parfois difficiles à interpréter, souvent contraignants, ces nouveaux cadres juridiques sont amenés à grandement restructurer tout ou partie du secteur des cryptos dans un horizon proche. Quel est l’état des lieux de la réglementation des cryptos en France et dans l’Union Européenne en août 2023 ? 

Les cryptos dans le viseur des autorités après les faillites de FTX et Genesis

Le monde de la crypto reste plongé dans une morosité ambiante depuis les annonces fracassantes de faillite des plateformes FTX et Genesis en 2022 et début 2023. La chute de ces mastodontes de la crypto est corrélée à de nombreux nouveaux défis toujours plus prégnants :

Soucieux de ne pas voir s’échapper cette manne d’investissements, de développement technologique et d’opportunités économiques, la plupart des pays se sont donc attelés à la construction de lois et réglementations des cryptoactifs. L’enjeu : maintenir sa compétitivité en ne restreignant pas à outrance les acteurs du secteur sous des strates de normes et règlements, tout en promouvant un cadre propice à une certaine stabilité des échanges qui limiteraient la possibilité de crashs comme celui de FTX.

Réglementations crypto : cartographie globale et état des lieux

Une étude de 2021 menée par la Law Library of Congress dresse un état des lieux international de la régulation des cryptoactifs, dans laquelle nous constatons deux tendances majeures.

La première est celle de l’interdiction totale ou prohibition des cryptos, que cela soit pour des raisons de préférence nationale comme la Chine, ou bien par simple difficulté à concevoir et implémenter techniquement des volontés régulatrices. La deuxième tendance, principalement présente dans le monde occidental et en Russie, est celle proposant l’aménagement d’un ensemble de réglementations techniques, économiques et opérationnelles visant à encadrer la possession, l’utilisation et la gestion des cryptoactifs. Néanmoins, les écarts de réglementation entre ces différents pays peuvent parfois être majeurs, traduisant des conceptions bien différentes de l’avenir et de la place des cryptos dans la société numérique et économique de demain. 

Une étude du cabinet PwC intitulée PwC Global Crypto Regulation Report 2023 dresse un état des lieux des différentes législations et avancements d’une trentaine de pays selon quatre critères :

  • Cadre réglementaire : ensemble de règles, décrets et lois relatifs à la crypto et visant à « réguler » leur utilisation ;
  • LCB-FT (Lutte contre le blanchiment d’argent et financement du terrorisme): sous-entend l’intégration des cryptos dans le spectre d’analyse des organes chargés de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (de facto soumis aux réglementations afférentes) ;
  • Travel rule : traçabilité des cryptoactifs et transactions utilisant des cryptomonnaies 
  • Stablecoins : intégration et autorisation de cryptomonnaies dans un cadré monétaire et fiscal légal à l’échelle nationale ou régionale.

L’utilisation de ces quatre critères permet un état des lieux objectif, notamment pour les investisseurs et autres acteurs de la crypto, très attentifs aux actions de régulations forcées n’ayant pas fait l’objet de consensus préalable ou considérées trop hostiles. En effet, un projet de taxation des cryptoactifs en Inde avait ainsi fait littéralement chuter en quelques semaines le volume des transactions en cryptomonnaies de 90% dans le pays (alors acteur majeur des cryptomonnaies dans le monde), provoquant une fuite massive de capitaux et des cerveaux.

Le fonds d’investissement suisse spécialisé en crypto 21e6 souligne également que les investisseurs restent prudents suite aux velléités régulatrices de la plupart des gros acteurs géopolitique : USA, Chine et Union Européenne. Environ 97 fonds d’investissements auraient ainsi fermé boutique en 2022 pour diverses raisons, en partie liées aux exigences de plus en plus importantes du secteur bancaire en termes de KYC (Know Your Customer) des acteurs de la crypto. Les banques sont en effet surveillées de près par les autorités financières et de marché quant à la fiabilité de leurs actifs et la composition de leurs portefeuilles. L’effondrement de FTX ainsi que la volatilité inhérente à certains cours cryptos détériorent ainsi la capacité des fonds d’investissements spécialisés à pouvoir disposer de liquidités, assurances et partenaires prêts à les soutenir dans leurs opérations.

La réglementation des cryptos : enjeu économique mais aussi géopolitique

La volonté de réguler le monde des cryptos n’est plus à faire au point que, paradoxalement, même le patron de FTX, Sam Bankman-Fried semblait l’encourager, quitte à subir les foudres des défenseurs d’un environnement crypto dérégulé et volontairement opaque.

Ces dernières années, de nombreuses autorités nationales, think tanks et autres commissions ont émis des rapports consultatifs, livres blancs et autres synthèses visant à promouvoir des normes à l’échelle internationale. Car il s’agit d’un enjeu de taille pour le monde de la crypto. En effet, différentes législations plus ou moins restrictives attribueraient une nouvelle composante « géographique » à un secteur jusqu’ici caractérisé par son extraterritorialité et l’instantanéité de ses échanges.

Ainsi, en 2021 un rapport du Groupe d’Action Financière (GAFI) de l’OCDE préconisait déjà à travers un livre blanc une liste de recommandations et d’outils de gestion des risques relatifs à la crypto. Un autre rapport de 2022 du Committee on Payments and Market Infrastructures and the International Organization of Securities Commissions (CPMI-IOSCO) proposait des orientations sur les aspects liés à la gouvernance, au cadre de gestion globale des risques, au caractère définitif du règlement et aux règlements en espèces.

Cette volonté d’encadrer l’utilisation et l’intégration des cryptos répond autant au besoin de prévenir les risques inhérents détaillés ci-dessus que de garder la main sur l’explosion de l’utilisation des cryptos à l’échelle internationale. Que cela soit en Ukraine, où cryptomonnaies et NFTs sont utilisées afin de réaliser de rapides levées de fonds ou en réponse au nombre croissant d’utilisateurs à travers le monde (420 millions en 2023, soit 4,2% de la population mondiale), la plupart des acteurs étatiques considèrent aujourd’hui urgent leur besoin de garder ou d’accroître leur contrôle sur ce secteur encore souvent considéré comme opaque.

L’Union Européenne, MiCA et PSAN

L’adoption de la loi Finance numérique : marchés de cryptoactifs (MiCA) par l’Union Européenne le 20 avril 2023 rebat les cartes en termes de réglementation des cryptos pour tous les états européens. La loi, votée à la quasi-unanimité (529 pour et 29 contre), impose à l’ensemble des 27 une réglementation stricte sur la quasi-totalité des acteurs et produits de la crypto.

La bonne nouvelle reste que MiCA ne devrait pas surprendre les acteurs français de la crypto pour autant. La loi est amplement calquée sur le corpus réglementaire français déjà existant. La France avait déjà décidé en mars 2023 de voter l’obligation d’être enregistré en tant que PSAN (Prestataire de Services sur Actifs Numériques) pour tous les acteurs de la crypto. Cette décision avait déclenché de longs débats, certains accusant la loi d’être trop en avance par rapport au calendrier MiCA, pénalisant ainsi les acteurs français de la crypto par rapport à leurs concurrents européens.

Reste que les acteurs français disposent désormais d’un coup d’avance sur leurs concurrents européens dans l’avancement du calendrier MiCA, dont l’application est prévue au 30 décembre 2024 (à l’exception des stablecoins prévus au 30 juin 2024).

Aujourd’hui la plupart des entreprises françaises évoluant dans la crypto disposent déjà d’un enregistrement PSAN, sans qu’aucune entreprise française ne dispose de l’agrément en lui-même. Les entreprises qui auront obtenu cet enregistrement PSAN avant le 30 décembre 2024 auront désormais jusqu’au 30 juin 2026 pour procéder à l’obtention de l’agrément MiCA, obligatoire pour continuer à offrir leurs services aux publics européens et français.

La volonté affichée de l’Union Européenne est de proposer un hub de stabilité aux acteurs de la crypto, quitte à décourager certains acteurs trop petits, nouveaux entrants, ou flirtant avec la sphère informelle :

Cela place l’UE à l’avant-garde de l’économie des tokens, avec 10 000 crypto-actifs différents. Les consommateurs seront protégés contre la tromperie et la fraude, et le secteur qui a été endommagé par l’effondrement de FTX peut regagner confiance. […] Ce règlement apporte un avantage concurrentiel à l’UE. Le secteur européen des crypto-actifs bénéficie d’une clarté réglementaire qui n’existe pas dans des pays comme les États-Unis.

Stefen Berger, Député européen et rapporteur sur le règlement MiCA

Statut PSAN et réglementations crypto en vigueur en France

Si l’application du règlement MiCA deviendra une obligation et une réalité pour tous d’ici fin 2024, qu’en est-il des réglementations françaises qui régiront les acteurs de la crypto jusque-là ?

Le Code monétaire et financier (CMF) identifie trois catégories d’actifs numériques :

  • Tokens d’utilité, tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, enregistrés, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire du bien. Cette définition n’inclut pas les jetons qui ont les caractéristiques d’instruments financiers et les bons de caisse (saving notes).

  • Tokens de paiement ou crypto-monnaies, toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou une autorité publique, qui n’est pas nécessairement rattachée à une monnaie ayant cours légal et qui n’a pas le statut juridique de la monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement (cela inclut les crypto-monnaies telles que le bitcoin et l’éther).

  • Tokens de sécurité, depuis l’ordonnance blockchain, le droit français autorise l’inscription des titres financiers, non admis aux opérations d’un dépositaire central, dans un dispositif d’inscription partagé électroniquement tel que la blockchain. Sous certaines conditions, certains security tokens sont ainsi reconnus en France comme des instruments financiers dont l’émission est encadrée par le droit des titres financiers et la réglementation sur les prospectus.

Il est à noter que les NFTs sont pour l’instant exclus du cadre réglementaire français en raison de leur caractère non-fongible, ce qui rend impossible leur négociation sur un marché secondaire.

Les cryptoactifs sur les marchés primaires et secondaires français

Sur le marché primaire, le droit français réglemente l’inscription des titres financiers non admis aux opérations d’un dépositaire central, dans un dispositif d’enregistrement partagé électroniquement tel que la blockchain. Cette inscription a les mêmes effets juridiques qu’une inscription de titres financiers sur un compte tenu par un teneur de compte-conservateur, notamment en termes de preuve de la propriété des titres.

L’émission de jetons d’utilité et d’Initial Coin Offering (ICO) est soumise à un visa optionnel (approbation) de l’AMF.

Sur le marché secondaire, la loi Pacte fournit un cadre pour la fourniture de « services d’actifs numériques » par les PSAN. Les services d’actifs numériques comprennent notamment :

  • La garde d’actifs numériques pour le compte de tiers et l’accès aux actifs numériques ;
  • L’achat ou la vente d’actifs numériques en monnaie légale ;
  • L’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques ;
  • L’exploitation d’une plateforme de négociation d’actifs numériques ;
  • La réception et transmission d’ordres sur des actifs numériques pour le compte de tiers ;
  • La gestion de portefeuille d’actifs numériques pour le compte de tiers ;
  • Le conseil au souscripteur d’actifs numériques ;
  • La souscription d’actifs numériques.

Concernant la publicité relative aux cryptoactifs, la diffusion à des personnes physiques ou morales de simples informations publicitaires n’est pas soumise aux règles de la promotion bancaire et financière. C’est néanmoins le cas dans la majeure partie des cas, lorsque ladite publicité ou call-to-action vise à obtenir un accord pour fournir un service ou participer à une transaction, portant sur un actif numérique (ex : ICO). Dans ce contexte, seules les offres de tokens qui ont été approuvées par l’AMF peuvent donner lieu à une promotion financière ou sollicitation de la clientèle. De même, seules les entités suivantes peuvent promouvoir des services d’actifs numériques auprès de clients :

  • Les émetteurs de jetons ayant obtenu l’agrément de l’AMF et les PSAN agréés (et non simplement enregistrés) ;
  • Les prestataires de services financiers réglementés disposant d’un enregistrement PSAN : établissements de crédit ou sociétés de financement, établissements de monnaie électronique, établissements de paiement, entreprises d’investissement et compagnies d’assurance, fonds de pension professionnels, sociétés de capital-risque, sociétés de gestion de portefeuille, conseillers en investissements financiers, intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement, agents liés, prestataires de services de financement participatif.

Il est important de noter qu’en l’état, la France ne dispose pas d’une législation spécifique aux stablecoins pour le moment, bien que le sujet soit arrivé sur le bureau de l’Assemblée Nationale dès 2021. Il y a fort à parier qu’au vu des enjeux liés à la forte croissance des stablecoins sur ces dernières années, la France ait fait le pari de ne pas se positionner trop en précurseur sur le sujet, au risque de faire fuir les investisseurs. Une position qui semble d’ailleurs partagée par l’Union Européenne…

Régulations des cryptoactifs et KYC : la suite logique

Il est impossible de ne pas constater le rapprochement que les législateur français et européens sont en train de consolider entre réglementation des secteurs bancaires et financiers avec celui des cryptoactifs. La part des utilisateurs européens ainsi que leur portefeuille ne faisant qu’augmenter depuis une décennie, la stabilité du secteur est donc désormais un enjeu crucial pour les autorités financières nationales et régionales. Ces dernières souhaitent à tout prix éviter l’éclatement de bulles financières incontrôlables qui mettraient à la peine les économies de leurs contribuables et pourraient menacer des pans entiers de leurs secteurs économiques.

Aussi, les acteurs de la crypto vont devoir adopter à marche forcée les bonnes pratiques du secteur bancaire, notamment en termes de connaissance client (KYC ou « Know Your Customer »), afin de tabler sur la pérennisation de leurs activités sur le long terme. Le processus KYC permet de s’assurer que l’émetteur et le bénéficiaire des fonds d’une transaction crypto est bien celui qu’il prétend être, par le biais de la vérification d’identité. La loi MiCA constitue une première étape symbolique, mais il y a fort à parier qu’elle ne soit que la fondation d’un futur arsenal législatif et réglementaire européen de plus en plus formel et exigeant, qui évincera naturellement les acteurs du secteur n’ayant pas réussi à adapter leurs processus de contrôle interne en temps et en heure.

Le KYC dans la crypto : la croissance par la confiance

Découvrez à travers notre ebook quelles sont les nouvelles tendances du secteur des crypto-monnaies et les réglementations qui en découlent
Obtenez votre exemplaire gratuit
EBOOK-CRYPTO

Par

Mapping des réglementations crypto en France et en UE. 1

Mallaury Marie
Content Manager chez IDnow
Rejoignez Mallaury sur LinkedIn

Des questions ?

Contactez-nous!
Play