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Le futur de la micromobilité : vers une harmonisation des services ? Entretien avec François Hoehlinger

Le marché de la mobilité, et plus particulièrement de la micromobilité, a connu de fortes variations en 2023. François Hoehlinger, ancien CEO de Troopy et co-fondateur de TOLV nous parle des obstacles auxquels le secteur de la micromobilité se heurte et nous explique comment se frayer un chemin dans une industrie en perte de repères et de financements.

Quels sont les nouvelles tendances que vous avez vues apparaître dans le secteur de la mobilité en 2023 ?

En 2023, nous avons observé de fortes contre tendances dans la mobilité, à commencer par le marché de la micromobilité qui a souffert du retournement de marché et de l’assèchement des financements.

L’inflation s’est heurtée au business model récent de la micromobilité, mais il reste du positif : je pense notamment à la livraison du dernier kilomètre et au vélo cargo. Les tendances se tournent vers la mobilité verte et les services de réparation de batteries se sont également fait une place sur le marché.

Côté software, les entreprises innovent de plus en plus et vont permettre d’optimiser les business models de mobilité existants ou à venir. On a observé notamment des levées de fonds sur les solutions d’optimisation des temps de trajets ou de déclaratif carbone.

On peut également mentionner la réglementation en matière de trottinettes électriques qui s’est durcie à Paris et qui a provoqué l’extinction de nombreux acteurs. Les villes qui ont conservé des flottes de trottinettes électriques, ont eu tendance à réduire la taille de ces flottes pour optimiser leur utilisation, et d’autres villes comme Paris ont complètement coupés ces types de service, ce qui n’est pas forcément la solution à adopter. Si nous souhaitons que cela fonctionne pour tout le monde, il faut parfois s’en donner les moyens, notamment en mettant en place les infrastructures adéquates et en éduquant les utilisateurs. Nous n’y sommes pas encore malheureusement.

Les transports en commun ont mis 40 à 50 ans à se faire une place solide dans le paysage de la mobilité. Les services émergents sur le marché de la micromobilité, qui se basent sur des modèles ultra-rapides, mettront eux aussi un peu de temps à trouver leur juste place.

A quoi doit-on s’attendre pour 2024 ? Vers où va la mobilité ?

Cela fait maintenant quelques années que la mobilité n’est plus au cœur des préoccupations des investisseurs car c’est un modèle compliqué à financer, qui n’est pas toujours rentable. On observe aussi une contraction du marché, avec moins de startups financées, contrairement à l’ère pré-COVID. 2024 sera l’année de la consolidation, comme l’a montré TIER en s’associant avec Dott début janvier.  

Du côté des investisseurs, il faudrait davantage de souplesse. Les business models dans la mobilité prennent du temps, regardez Uber qui a mis du temps à se stabiliser et qui aujourd’hui est un acteur incontournable du marché. Il est essentiel de laisser plus de temps aux acteurs de la mobilité de se frayer un chemin, vers l’«effet réseau» et la profitabilité.

Aujourd’hui les Etats doivent se mettre d’accord sur une politique commune pour permettre à la fois aux régions et aux villes de déployer des offres de mobilité pour leurs citoyens, et aux acteurs de la mobilité de continuer d’exister. Et c’est sans doute ce qui se dessinera en 2024.

François Hoehlinger, co-fondateur de TOLV

Vous souhaitez en savoir plus sur l’avenir de ce secteur ? Découvrez les perspectives qui guideront la mobilité en 2024.

Y a-t-il un service particulier dans le domaine de la micromobilité (par exemple les vélos électriques) qui est le plus plébiscité par les utilisateurs ?

La trottinette électrique est un moyen de déplacement relativement intéressant pour les utilisateurs. Même si d’un point de vue écologique, on ne fera jamais mieux que marcher ou faire du vélo, dans certaines grandes villes, ce n’est tout simplement pas possible, ou bien cela prendrait beaucoup trop de temps. La trottinette est un bon moyen de se déplacer rapidement, sans trop d’efforts, et à un prix accessible.

Le scooter électrique est quant à lui le meilleur report modal face à la voiture : il permet non seulement d’effectuer des grandes distances mais aussi, dans des villes comme Paris, de circuler plus simplement qu’en voiture, notamment aux heures de pointe.

A Paris le panorama des différents moyens de locomotion est vaste et pour savoir ce qui fonctionne le mieux auprès des utilisateurs, il faudra attendre d’avoir un peu plus de recul, afin de mieux comprendre les modes de transport et le report modal effectif sur l’usage individuel de la voiture.

La collaboration entre les villes et les opérateurs de micromobilité s’accroît-elle à mesure que le MaaS et le voyage multimodal deviennent plus populaires ? Quel impact cela a sur l’industrie ?

Les acteurs de micromobilité ont construit leurs entreprises autour de leur capacité à s’accorder avec les municipalités. Certaines villes sont précurseurs en matière de micromobilité comme Munich ou Stockholm, d’autres ont plus de difficultés à mettre en place une collaboration efficience avec les pouvoirs publics.

Pour combler ces inégalités entre les villes, on devrait aujourd’hui être en mesure de leur proposer un catalogue de solutions en fonction de leur besoins spécifiques en mobilité.

Le Mobility as a Service (MaaS), permet aux utilisateurs de planifier, réserver et payer un trajet intermodal sur une seule même plateforme numérique, viendra combler ces inégalités ou, à l’inverse, parfois complexifier en apposant une couche technique supplémentaire aux systèmes existants.

Le MaaS est un outil formidable, à partir du moment où il est implémenté correctement dans les systèmes informatiques existants mais il est coûteux et complexe à instaurer.

En France, la réglementation s’est durcie, notamment pour la location de trottinettes électriques, pensez-vous que cela va contribuer à améliorer la sécurité sur les routes ?  Ou au contraire est-ce que cela va freiner la croissance du secteur en décourageant les utilisateurs et les acteurs ?

La situation parisienne n’a pas été favorable aux services de trottinettes électriques. Nous aurions pu imaginer mettre en place des zones de tests pour sécuriser leurs usages et favoriser le vivre ensemble. Nous sommes désormais conscients que cela jette un précédent qui sera nécessairement négatif pour les villes européennes.

Le problème de sécurité soulevé par l’utilisation des trottinettes est un point important ; cependant quel est le report modal vers les bus ou les voitures suite au retrait des trottinettes électriques ? L’objectif de la micromobilité est d’aider à désenclaver les villes ; supprimer un de ces nouveaux moyens de déplacement a sans doute un impact sur la mobilité des citoyens.  

Si ces systèmes de micromobilité existent et sont amenés à perdurer, il est impératif de les intégrer au sein d’une seule et même réflexion globale.

François Hoehlinger, co-fondateur de TOLV

Pour mieux encadrer les services de micromobilité, plusieurs actions peuvent être mises en place.

Avec Troopy, la location de scooters était accessible aux personnes âgées de plus de 21 ans, le permis devait être récent et il fallait avoir passé certains tests supplémentaires, notamment liés à la motorisation du véhicule. Les utilisateurs qui faisaient des excès de vitesse à répétition était exclus du service.

Il est indispensable de mettre en place des règles d’usage strictes et des messages de prévention. N’oublions pas que tout le monde est concerné par l’usage de la route et de l’espace urbain, et donc que tout le monde doit être éduqué, pas uniquement les utilisateurs de services de micromobilité.

Selon vous, la France est-elle pionnière de la micromobilité ? Si non, sur qui peut-on prendre exemple ?

La France est pionnière en matière de transports. Nous sommes surtout précurseurs en termes de régie de transports, telles que Transdev ou la RATP.

L’émergence des services de micromobilité s’est d’abord faite dans des pays d’Europe du Nord comme la Norvège, la Suède ou encore l’Allemagne.

Prenons l’exemple de Stockholm en Suède : les pistes cyclables sont protégées et piétonisées, leur système de vélo partagé compte parmi les plus anciens d’Europe. Ils proposent aussi un service de trottinette électrique Voi, acteur important du monde de la micromobilité. L’espace public est très bien partagé, et c’est ce qui fait la différence entre Stockholm et notre fonctionnement actuel en France où l’approche est beaucoup plus individualiste.

La France doit encore trouver son modèle de fonctionnement en matière de micromobilité. Cela passera par une collaboration entre les régies de transports et les acteurs de la mobilité. Il faut mettre à profit notre savoir-faire qui a fait ses preuves jusqu’à aujourd’hui, au service de la mobilité de demain.

Quels sont les enjeux majeurs pour les acteurs de la micromobilité aujourd’hui ? Notamment sur les aspects d’inclusivité et d’égalité.

Aujourd’hui, les acteurs de la mobilité se battent pour que l’inclusivité soit un des fers de lance de la mobilité en général. Les différents services de mobilité ont justement été créés pour désenclaver les campagnes et les périphéries des villes.

L’objectif de la micromobilité est de permettre aux citoyens de se déplacer de manière interstitielle, entre les lignes de métro par exemple, avec un coût relativement accessible.

Pour convaincre les plus réfractaires, les acteurs de la micromobilité vont s’appuyer sur différents aspects comme la sécurité des véhicules mis à disposition, la disponibilité à n’importe quel moment de la journée et de la nuit et la rapidité de ces moyens de transport.

Quel type de solutions les acteurs de la micromobilité recherchent-ils pour simplifier l’usage de leurs services ?

Une solution de KYC comme celle proposée par IDnow est extrêmement importante à mon sens :  elle permet un gain de temps et d’efficacité du côté du service. Des millions de trajets par an sont enregistrés en micromobilité, ce qui correspond à des milliers de comptes créés qui doivent être vérifiés pour assurer la sécurité des services.

À terme, la création d’identifiants uniques pour accéder à différents services de mobilité dans une même ville, comme avec le MaaS, sera de mise.

François Hoehlinger, co-fondateur de TOLV

Selon vous et votre expertise du marché, qu’est-ce qui fait la différence entre un bon et un mauvais outil de KYC ?

Pour avoir moi-même comparé plusieurs solutions de KYC, les points différenciants sont l’économie de temps et la capacité à délivrer un outil performant.  Un bon outil de KYC doit permettre d’éviter les tentatives de fraude et d’automatiser le processus de vérification d’identité lors de la création de compte sur une plateforme.

Une fois que l’on sait tout ça, comment se frayer un chemin dans l’industrie de la mobilité ?

En tant que dirigeant d’entreprise, on peut tout à fait aller négocier avec les municipalités et travailler avec les régulateurs présents sur le marché pour se frayer un chemin, mais ça ne marche pas à tous les coups.

Pour offrir une meilleure structure à l’ensemble des acteurs européens, j’ai créé, avec l’aide de 5 co-fondateurs experts un réseau gratuit européen appelé « Intermobility » rassemblant plus de 800 décideurs de la mobilité, des transports, de la logistique et de l’énergie.

Mais notre action ne s’arrêtant pas là, nous lançons en février 2024 un « think tank » français spécialisé dans ces secteurs d’activité. Ce cercle de réflexion regroupera l’ensemble des décideurs de l’écosystème, des politiques jusqu’aux financeurs afin de redorer le blason du monde des transports et de faire de la France un moteur économique de la mobilité.

Le but est de confronter les différents points de vue et les visions des acteurs de la mobilité. Dans le futur, cela nous permettra de faire des propositions adéquates afin de faire avancer le marché de la mobilité vers plus d’inclusion sociale, plus d’écologie et des business modèles rentables et pérennes.

Par

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Mallaury Marie
Content Manager chez IDnow
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